Housse de couette

Mardi 29 septembre. 6 heures du matin. L'automne est là depuis quelques jours. Depuis le début de l'été, je dors à l'intérieur d'un ersatz de sac de couchage : ma housse de couette gris-bleu dont le motif pourrait s'intituler "gribouillons". Son tissu n'est pas très agréable, d'un coton que les années, les lavages et les essorages violents auront rendu rêche et fragile. Ce matin, un imperceptible désir me fait me terrer au fond de la housse. Mauvaise idée : mes pieds pointus déchirent ses fibres, l'éventre comme s'il fallait m'en accoucher de l'autre côté. J'entends un "crac !", celui d'un préservatif rompu par son contenu poussé à bout. Ce mouvement inconscient, je suis persuadé qu'il fut motivé par un rêve. Voici d'ailleurs le récit du rêve que j'avais fait la nuit même. Je dois traverser deux voies de tram très fréquentées en passant par une porte vitrée coulissante. Elle ressemble aux portes anti-suicide (ou anti-accident, anti-meurtre) du métro parisien. C'est très dangereux. La porte s'ouvre et se ferme sans cohérence avec le passage des trams. Ce rêve de dangereuse traversée avait été influencé par un événement réel. La veille je m'étais rendu à la Biocoop de Bias, laquelle venait de se doter d'une porte coulissante automatique. Je pense que déchirer ma housse de couette a procédé d'un acte manqué. Mon inconscient voulait me faire m'intéresser à cette housse, en particulier à son motif que pendant 8 ans je n'avais pas sérieusement regardé. Les "gribouillons" comme je les appelle sont formés par un enchevêtrement d'ellipses. Il y a uniquement des ellipses. Cela faisait donc 8 ans que je dors dans des ellipses, dans des bulles, dans des œufs. Je serais Hergé ou Benoît XVI, j'y verrais la traduction de l'expression "sors de ta bulle !". Cela faisait 8 ans que ces motifs s'imprimaient sur ma peau quand je dormais. Réchauffés par mon insidueuse sueur nocturne, quelques nanogrammes d'encre noire migraient insidueusement vers mon épiderme et y tatouaient ces œufs invisibles dont il faut sortir.